Pour la transat', nous avons eu la grande chance d'avoir à bord Romain, Flavia, et sa fille Kallisté. Flavia, en pose longue professionnelle de 9 mois, a commencé cette parenthèse par nous rejoindre pour cette traversée que l'on préparait de longue date. Nous re-citons ici un extrait des publications de leur journal de bord :
💫 Demain c'est loin 💦 (8 décembre 2024)
S'il y en a qui vivent dans le présent, tout leur être tendu vers les sensations de l'ici et maintenant, ce sont bien les enfants.
Ils exhaustent le voyage, rehaussent toutes couleurs d'une teinte plus vive, nous permettent un émerveillement de l'instant, qu'on avait enfoui sous des kilos d'obligations, todo lists et projections des 4 coups d'après.
Je suis bien contente d'emmener Kallisté dans ce voyage avec ses grands potes de toujours Eole et Ambre. Que c'est doux et joyeux de les voir s'élancer dans les vagues, jouer avec les rimbambelles d'enfants rencontrés sur la plage ou les pontons. Frissonner de surprise à la découverte des champs de café et de canne à sucre. Rire aux éclats en jouant à loup glacé sur la place d'un village reculé.
Je chéris ces instants si précieux parce que je sais combien ils sont éphémères et fragiles comme du cristal.
Demain, on finit de préparer le bateau et de boucler les ceintures et les bretelles pour la transat. Demain, c'est loin, et c'est bien.
⚓ Le long chemin 🐢 (10 décembre 2024)
Une semaine déjà que nous sommes au Cap Vert. Et comme prévu, il y a des imprévus !
D'abord la météo qui n'a pas aidé Zou Maï à arriver plus tôt. Ensuite le charme capverdien qui nous aimante aux paysages qui méritent qu'on s'y attarde...
Néanmoins, l'équipage est passé en mode machine à cocher les items de la joblist prépa du bateau : checks divers, ÉNORME avitaillement, procédures de com et de sécurité... On n'a pas chômé ces derniers jours.
Le plan pour aujourd'hui c'était : ranger le bateau, et profiter de Mindelo avant de larguer les amarres demain matin.
Et puis Kallisté se réveille avec de la fièvre. Et puis les voisins de ponton, avec qui on a partagé un ti punch hier se réveillent avec la tourista.
Parce qu'on est raisonnables, on a décidé de suivre les conseils avisés de notre team d'ange gardiens à terre, et de décaler le départ d'au moins 24h.
C'est un long chemin qui nous attend : nul ne sert de courir comme dirait l'autre...
Santé !
📷 Sentier de Cova, Santo Antão
🚀 Vers l'horizon et au delà 🌈 (13 décembre 2024)
Kallisté n'a plus de fièvre, mais la "touristica" planne légèrement, et la météo annonce une bulle de pétole sur 300 milles dans 48h ...
Mais mais mais le bateau est préparé au cordeau et l'équipage affûté mentalement comme jamais. Faut dire que ça fait des mois (des années ?) qu'on on attend ça. Des mois qu'on se fait des visios, qu'on coche des listes, des mois que nos chers Emma, Vince, Eolito et Ambrouille apprennent à parler le Zouzou - petit surnom du bateau. Des mois qu'on galère avec cet automne qui a été sacrément chargé en emotions pour les 4 adultes à bord. Des jours qu'on active nos petits rituels de sorcières et cercles de parole.
Bref, des mois qu'on ne rêve que de ça : se lancer tout schuss dans le grand bleu, et laisser l'Ocean nous emmener dans un autre dimension.
🔥 Richesse du coeur et économie du bord💧 (16 décembre 2024)
Lundi 16 décembre, jour 4 de cette transat entre le Cap Vert et les Antilles.
Les enfants s'adonnent à leur rituel du matin : l'ouverture du calendrier de l'avent, fabriqué par l'équipage. Ils tirent le petit papier du jour "Aujourd'hui, on fait 15 jeux".
Il fait 27° dans le carré, le taux d'humidité est à 80%, et dehors sur le pont, l'ecran total est de rigueur. On se sent bien loin de l'esprit de Noël habituel et des préparatifs des fêtes gargantuesques de fin d'année, mais vous savez quoi... Ça détend.
La vie en bateau et la navigation au large nous invitent à considérer ce qui est nécessaire et nous contraignent à une forme de sobriété. Petit zoom sur les fondamentaux de la vie à bord de Zou Maï, devenu notre petit monde autogéré pour cette aventure.
Nous sommes 7 personnes à devoir vivre en autonomie pour environ 20 jours. Aussi il nous faut :
💦 Économiser l'eau douce qui nous sert en priorité pour boire et cuisiner. Il n'y a pas de dessalinisateur à bord aussi nous faisons la vaisselle et notre toilette principalement à l'eau de mer. Nous avons 1000 litres dans les réservoirs + 120 litres en bidons. Grand luxe.
🍅 Cuisiner intelligemment avec les victuailles glanées entre l'Espagne et le Cap Vert. Nous sommes un équipage de gros gourmands, et il y a plus de stock que pour une trans-pacifique. On veut manger equilibré et ne rien gâcher, alors le jeu de chaque repas consiste à élaborer un menu avec les fruits et légumes les plus mûrs ou abîmés. Depuis samedi, il faut aussi intégrer les 6kgs de chair ferme du gros Thazard pêché comme un cadeau de bienvenue de l'Ocean. Au menu d'hier : makis, onigiris et old bananas bread !
💫 Nous reposer et tenir nos quarts avec sérénité, grace au pilote automatique et aux instruments d'aide à la navigation (GPS, girouette, anémometre...). On parle ici de gestion de l'énergie à bord, principalement produite par les panneaux solaires et l'éolienne embarquée. Les journées étant courtes donc moins ensoleillées et parce que nous avons du frais à conserver (et donc besoin du frigo)... Et et et parce qu'on se connecte à Starlink une fois par jour pour la météo et vous envoyer ce long message... nous ne sommes pas tout à fait autonomes. L'alternateur du moteur diesel nous permet de recharger les batteries si besoin, ce que nous faisons au moins 1h par jour.
🌬️ Faire avancer le bateau tout en jouant, rêvant, contemplant, flânant, riant, et toutes ces joies en "ant" qui font que ce voyage se distingue d'un simple trajet. Pour que ce soit possible, il nous semble nécessaire de créer des routines (un quart de veille de 3h pour chaque adulte, les repas du midi et du soir pris en commun, un temps météo et l'actualisation du plan de nav' chaque jour après le repas du midi), et surtout, de se faire des GROS KIFS. Le dernier date de hier matin : profiter du calme pour un plongeon au dessus de 5000 mètres de grand bleu, avant la remise en route de l'alizée la nuit dernière. L'occasion d'observer un petit thon de compagnie qui se balade sous notre quille pendant toute la baignade, coucou !
Mon gros kif de cette nuit pendant mon quart de 1h à 4h : parler à un poisson volant et contempler la pleine lune.
En faisant l'expérience de la sobriété choisie et du relatif inconfort, on se rapproche de l'essentiel. Je me sens immensément riche et privilégiée de vivre ces moments.
Thanks you life, thanks you love, it is true there are angels in that sea (ceux qui ont la réf levez la main) ✨
📝 Courtes nouvelles du bord en attendant demain 🤓 (20 décembre 2024)
On est débordé.e.s à bord de Zou Maï : entre l'école à faire aux enfants, les sablés de Noël à cuire, le spi à envoyer / affaler, les bouquins à lire, les étoiles à observer, le bateau à bichonner, les cafés philo, le tournoi de Backgammon du bord et les siestes obligatoires... Je n'ai pas eu le temps de boucler le post que je vous destine et qui mûrit de quart en quart !
Il s'intitule "Chercheurs d'or" et promis le vous l'envoie demain #teaser !
En attendant, on s'apprête à sonner le gong de la mi-parcours, et c'est encore l'heure changer de fuseau horaire à bord de Zou Maï ! Il est UTC - 3, on est au 17° 02.6720' Nord / 42° 19.3881 Ouest, il fait 29 degrés à l'ombre.
✨ Chercheurs d'or 💎 (21 décembre 2024)
Samedi 21 décembre, quelque part au milieu de l'Atlantique, le soleil se lève sur le 9e jour de cette transat.
La mer s'irise de vermeil et d'indigo. Des étincelles de poissons volants jaillissent ça et là. L'alizée est une caresse, et en fermant les yeux, j'entends l'Ocean qui respire.
Chaque jour après le déjeuner, après le point météo et l'actualisation du plan de navigation, nous avons un petit rituel qui devrait parler aux pro du coaching et de l'animation ici présent.e.s : nous nommons nos cailloux et nos pépites.
🪨 Caillou :
Les quelques soucis techniques du bateau, bien que parfaitement entretenu par Vincent aka le directeur technique de Zouzou à qui rien - mais RIEN - ne semble échapper. Je ne m'attarderai pas là dessus, sauf pour dire que ces "cailloux" sont le lot quotidien de bien des propriétaires de bateaux, et que j'admire la façon dont mes amis "makers" les considèrent : comme des solutions à trouver, parfois presque comme un jeu, avec un maximum de do it yourself et de récup'.
💎 Pépite :
Le soin porté aux autres et à soi. Depuis quelques soirs dans le carré, nous faisons salon de massage et l'avons baptisé "Au Crépuscule de l'Atlantique". Huile d'argan et baume du tigre lissent les visages et les nuques, les enfants en redemandent.
En parlant des enfants...
🤯 Caillou :
Nos chérubins qu'il faut canaliser, nourrir sans cesse de jeux, d'attention, d'activités, et qui mettent au défi notre patience. Bon en vrai, c'est pépite ça. Quand ils dorment, on les regarde les yeux pleins d'amour en se disant qu'on a la chance d'avoir des enfants en pleine santé, vivants et indépendants d'esprit : évidemment c'est grosse pépite. Et puis ils se réveillent... ;)
📖 Pépite :
Lire lire lire et se plonger dans la jolie bibliothèque du bord qui regorge de pépites justement. Parmi elles : "Guide de manœuvres" d'Éric Tabarly illustré par Titouan Lamazou. En ce moment je lis "Montée des Eaux" de Pierre Lieutaghi qui parle d'espoir et de vivre-ensemble dans un monde où les océans se sont brusquement dilatés en une nuit.
🎧 Pépite :
Ecouter une série podcasts, à tour de rôle pendant nos quarts de nuit, et s'en parler au petit déj. On a tripé comme ça sur "Les Grandes Traversées : Christophe Colomb et l'envers du décor", extrêmement bien réalisé, et qui nous a fait frisonner sur la route du Nouveau Monde.
✨ Pépite :
Dormir dormir dormir, rêvasser à l'étrave du bateau, compter les étoiles, se laisser bercer par le bruit des vagues. Pendant des heures.
⚫ Caillou :
Être en huis clos avec les mêmes personnes pendant une durée indéterminée. Évidemment, sur Zou Maï, pour notre équipage choisi d'amis habitués aux fonctionnements collectifs (c'est même carrément notre travail à terre) ce n'est pas un caillou, mais une précieuse pépite. Mais pour que ce huis clos reste pépite, cela demande une attention constante. Du soin, de la délicatesse, des cadres. C'est une expérience toute différente que j'avais vécue il y a deux ans au cours d'une transat à bord d'un Outremer 55. J'avais fait l'erreur d'embarquer avec des personnes très individualistes sans écouter mon instinct, et l'expérience de vie à bord avait été extrême douloureuse sur la durée. Je mesure aujourd'hui combien il est vital de choisir son équipage avec le cœur.
💙 Pépite :
Les petits messages de mon amoureux au coeur de la nuit via la balise satellite. Ceux que vous nous envoyez et qu'on regarde pendant notre quart d'heure de connexion quotidien. Se sentir reliés à vous, dans notre petite petite bulle au milieu de l'Atlantique, est notre fil d'Ariane.
🃏 Caillou :
Je me fais systématiquement laminer au backgammon par les enfants, ainsi qu'au jeu du Président. C'en est presque humiliant.
🎶 Pépite :
Le son du handpan dans la nuit, cet instrument magique offert à Zou Maï le jour de son baptême, comme un cœur pour faire vibrer son âme. Parce que, Hello les cartésiens, les bateaux ont une âme vous savez ?
🧭 Caillou et pépite :
On est désormais plus proche de l'arrivée que du départ. Gong de la mi-parcours !!
Finalement, j'observe que les cailloux passés au tamis du temps et de l'Ocean deviennent des pépites.
Cette aventure que nous vivons, nous l'avons choisie, et sommes allés la chercher. Avec cette transat, j'entame une pause professionnelle de 9 mois pour prendre le temps de faire briller mes pépites et des ricochets avec mes cailloux.
Je suis débordante de gratitude pour Emmanuelle et Vincent, qui - par leur choix exigeant et généreux du voyage en voilier - nous permettent, à Kallisté et moi, de chercher de l'or à leurs côtés. 🙏
A vous qui êtes en ce moment dans le tourbillon terrestre : on vous envoie plein de pépites salées 💫
🌈 La magie de Noël 🪄 (25 décembre 2024)
Un arbre de Noël qui trône dans la carré, le père Noël qui a surfé sur la voie lactée guidé par l'arc en ciel, un rituel de sorcières en guise de veillée de Noël, un lever de soleil qui révèle des paquets déposés par magie dans le cockpit... Joyeux Noël tout simplement.
A vous et à vos familles ❤️
🔮 Vagues à l'âme🌊 (28 décembre 2024)
Samedi 28 décembre, 5h30 du matin heure locale, les premières lueurs pointent sur le jour 16 de cette transat.
Le vent est capricieux, on alterne séquences à la voile et appui au moteur quand elles claquent trop.
Bientôt je vais sonner le gong des 100 derniers milles nautiques à parcourir. Bientôt je vais réveiller Kallisté pour le dernier lever de soleil en mer. Bientôt on criera "terre en vue !" et je sens que je vais lâcher quelques larmes : c'est mon dernier quart de nuit avant l'arrivée prévue à Marie Galante dans moins de 24h.
Me croirez-vous si je vous dis que cette transat était parfaite d'harmonie et de fluidité ? Il y a pourtant bien eu des cailloux, des moments de doute, de tension et des larmes.
💥 Des crises de colère des enfants terribles qui, ne pouvant pas de défouler comme d'habitude à terre, déchargent leur frustration sur les parents.
😰 Des moments d'angoisse qui empêchent de dormir quand on découvre une faiblesse au niveau de la barre, avec risque de voie d'eau et de gros chantier à l'arrivée.
💦 Des creux de la vague au sein de l'équipage, avec un équipier malade surveillé pendant 24h et mis hors quart, des migraines et quelques larmes de tristesse / impuissance / fatigue / nostalgie pour chacun.e à divers moments.
👻 Des cauchemars saugrenus et terreurs nocturnes (toujours) de bateau qui chavire, d'accident de voiture ou de pot de confiture qui sert de pinoche pour contenir une voie d'eau.
🔥 Des coups de chaud quand un spi se déchire, une réparation ne tient pas, le vent mollit, des enfants se disputent, le bateau roule et devient trop petit.
Et puis... ✨
Le soleil se lève.
Le bateau se remet à glisser.
Quelqu'un.e prepare un gâteau.
Les enfants rient et fomentent des surprises.
Des dauphins viennent nous saluer.
On décide d'arrêter le moteur pour aller nager avec eux.
On pousse "Power" de Nina Simone à fond dans les enceintes.
Nos cailloux sont déposés au centre du cercle de parole quotidien.
Des solutions sont trouvées aux problèmes techniques et des paroles amicales font apparaître des pépites.
Une sieste nous recharge.
Les étoiles s'allument, une, deux, mille... Là ! Encore une étoile filante !
La nuit abrite les confidences et discussions profondes, la théière transformée en bâton de parole est le témoin que l'on se passe à chaque relève de quart.
🌅 L'horizon se zèbre de rose et derrière moi j'entends le cliquetis d'un gilet qu'on accroche, des petits pas feutrés et le tintement du bol tibétain : c'est Kallisté, petit chat roux, qui monte dans le cockpit et vient se blottir dans mes bras. Au réveil ses cheveux ont une odeur de biscuit à la canelle. "Maman, il reste 99 milles. Ca veut dire que ce soir il n'y a plus de quarts ?"
"Peut-être ma chérie, on verra, ça dépend."
Ca dépend du vent qui se fait attendre, de notre envie de faire durer le plaisir à se laisser bercer par les vagues.
Il est vrai qu'à terre, de belles choses nous attendent : mon amoureux, la famille d'Emma, la découverte des Antilles, une belle fête, du rhum. Mais il y a aussi la crainte - pour moi en tout cas - que le temps réaccelère brutalement et me file entre les doigts.
Je suis partie de France il y a un mois, et après deux semaines en mer passées à observer la course du soleil (merci Rom pour l'invitation à troquer le GPS contre le sextant), à prendre du recul sur cette année (merci Emma mon amie coach pour les questions pertinentes), à savourer cette tranche de voyage au long cours (merci Vince pour la sincérité du partage d'expérience), je sens enfin ralentir la fréquence de mes vagues à l'âme. 🧘♀️
Ce n'est plus la clapot cahotique méditerranéen des derniers mois, mais la longue houle de l'Atlantique qui me pousse tranquillement vers le rivage de 2025.
🌌 Le constat que nous partageons à bord touche à l'universel : au large et au long cours, notre regard s'aiguise sur nos creux et nos bosses. La haute mer a cet effet décapant qui nous ramène à l'essentiel sans fard. Nos parts d'ombre, nos doutes, nos passages à vide sont exhaustés ; nos vanités, coquetteries et détours sont délavés. En 16 jours de mer, le temps se densifie et l'esprit se fait couteau. Qu'en restera-t-il après avoir touché terre ?
L'heure du bilan n'est pas encore venue. 6h40 heure locale, il est temps de poser mes notes et de déguster ce dernier lever de soleil en mer, le nez plongé dans les cheveux biscuits à la cannelle. 😽
Terre en vue !
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