Quand le doute s’installe, ou le besoin de prévoir et de se projeter !

Où et quand ? Fin aout dans le Golfe de Corinthe

Après avoir vogué au fil de l’eau, des éléments et des envies pendant près de quatre mois, nous voilà fin août dans le Golfe de Corinthe. Cette mer intérieure magnifique, surplombée de montagnes pelées, de terre jaune rocailleuse et de champs d’oliviers, se situe entre la Grèce et le Péloponnèse.

Nous passons sous le plus long pont du monde (2252m, plus grand que celui de San Francisco !) et profitons de vent portant pour aller jusqu’à Tridezonia petite île perdue accueillant essentiellement des touristes grecs. Une mini communauté de français y a élu domicile et habite sur leur voilier à l’année. Puis, direction Galaxidi, pour laisser passer une météo capricieuse chargée de dépressions et cellules orageuses importantes. Ce port pittoresque nous régale où nous y passons une grosse semaine est également proche du mythique sanctuaire de Delphes.


La navigation dans le Golfe de Corinthe est très technique et nous nous faisons avoir comme des bleus avec des effets de site incroyables, des accélérations de 5 à 30 nœuds en quelques minutes et des vents qui tournent à 180° au passage d’un cap ou proche d’une côte. Vincent n’a jamais autant fait de changement de voiles en une navigation : génois, tourmentin, 1 ris, 2 ris, moteur, génois et rebelote ! Le passage du Canal de Corinthe se fait désirer. Nous rebroussons chemin une fois avant d’avoir la bonne fenêtre.

La spécificité des ports grecques : une aubaine pour notre équipage !  

Les ports grecques sont très différents de ce qu’on connaît en France, Espagne, Italie… Les infrastructures y sont très simples, il n’y a pas de pendille, pas de canal VHF, pas de maître de port, pas de sanitaires. C’est finalement un abri avec un accès à la terre. On y arrive sans autorisation ou réservation et on s’y amarre là où il y a de la place en mouillant à la méditerranéenne (ancre et 2 amarres à l’arrière). Une personne vient en soirée pour faire payer la place dont le tarif est dérisoire (10 à 15 euros par nuit versus 120 euros en Italie en été ou 70 euros en France) !  L’eau et l’électricité sont en sus. Autant dire que cela change pas mal notre manière de voyager et que nous pouvons nous permettre de rester plusieurs jours au port.
Cela nous convient très bien ! Après plusieurs mois de navigation, on est très heureux de pouvoir être à l’abri, sans roulis et profiter de plus de liberté. Moins besoins de se synchroniser pour aller à terre en annexe, laisser les enfants faire de la trottinette, aller au parc seuls, faire une partie de pêche. La vie de ponton est également plus riche socialement. On a des nouvelles et bons plans de ceux qui viennent de là où l’on va et on peut également partager nos coups de cœurs.    

Quand le doute s’installe avant de faire des choixet suivre une direction !!  

Nous sommes donc fin août et la tempête Danièle passe à quelques dizaines / centaines de de kilomètres de Galaxidi (port où nous sommes). Des énormes inondations ont lieu dans le centre de la Grèce. Elle provoquera par la suite le désastre en Libye. Nous sommes dans la queue de la dépression, c’est-à-dire qu’il pleut en continu pendant 4 jours mais que nous ne touchons pas les vents violents. Tant mieux !

Autant dire que ce contexte de météo pluvieuse et de temps de rentrée vient réveiller mon horloge interne de manière naturelle en écoutant le rythme des saisons. Comme si une petite voix venait me dire « eh oh, c’est la rentrée, où est ce que tu vas passer l’hiver ? Quel est ton plan pour les mois à venir ?  Il serait peut-être temps de programmer ton année ? »
Alors que nous naviguons sans plan de navigation précis depuis 4 mois, je ressens un fort besoin de me projeter et savoir où je vais pour la période hivernale.  

Nous vivons alors 15 jours à 3 semaines où nous ouvrons les possibles avec cette difficulté de vivre 2 temps en simultanée :

  • L’instant présent : en mer on est très reliés à l’ici et le maintenant avec des checks météo quotidiens, prévoir sa route à 2 /3 jours, choisir des bons mouillages et rester connectés aux éléments : prévision et analyse météo versus observation sur site.
  • La programmation à 6 / 12 mois : prévoir un plan de voyage et de navigation bien plus large. Avant de savoir où l’on va, savoir ce que l’on veut vivre, découvrir. Et également faire avec les contraintes financières (que ça rentre dans notre budget), géographique (périmètre méditerranée, petite navigation…), de notre équipage (un plan sympa pour petits et grands).  


Questionnements et choix pour la suite  

Voici en quelques mots la synthèse de cette période de recherche et de doute, pas facile à vivre pour ma part tant que les choix n’ont pas été fait. Je découvre que j’ai vraiment ce besoin de programmer la suite de notre périple là où Vincent est plus en confiance et ne ressent pas ce besoin comme moi. Vincent savoure avec ce voyage l'instant présent. Aussi, nous avons des rôles bien distincts et sommes complémentaires. Là où il est responsable technique de Zou Maï, il prend soin, il trouve des solutions techniques, entretient et répare notre joli voilier qui nécessite une grande attention.
J’ai le rôle de capitaine ou de moins de la navigatrice avec certainement un regard plus global, d’amener l’équipage à bon port, de prévoir, d’anticiper et de savoir où l’on va. Comme le dit Sénèque, « nul vent n’est favorable vers celui qui ne sait vers quel port il se dirige » !    

Qu’est-ce qu’on a envie de vivre ?

  • Continuer de voyager, de découvrir, de vivre différemment, d’avoir un autre regard.
  • Rester en Méditerranée pour l’hiver et la saison prochaine est nette. On n’est même pas encore arrivé en Mer Egée. La Grèce et la Turquie regorgent de trésors du point de vue de la navigation et de l’histoire.
  • S’immerger dans la culture locale, être connectés à la terre.
  • Tester une vie au vert en collectivité.
  • Faire plus de rencontres, vivre plus en collectivité.
  • Vivre des relations plus authentiques là où nous avons vécu sur la côte méditerranéenne où le tourisme est si présent notamment durant la saison estivale.
  • Faire une pause, être à terre et à l’abri pendant la saison hivernale. Zou Maï n’étant pas équipé pour naviguer pour l’hiver (pas isolé, pas d’eau chaude…).  


Où hiverner le bateau ?

  • En Grèce, en Turquie, en Egypte, en Sicile, en Tunisie…
  • Nous avons la possibilité d’hiverner en Tunisie gratuitement mais avec notre rythme de navigation, cela voudrait dire qu’à peine être arrivé dans les Cyclades, nous devrions entamer la route vers la Tunisie.
  • La Grèce semble idéale par rapport à notre plan de nav, des pros et des chantiers avec une culture de la plaisance développée, des tarifs plutôt attractifs. On valide ce choix !  


Alors, qu’est-ce qu’on fait ?  Où est ce qu’on va ?

L’Égypte nous parle mais il n’est vraiment pas recommandé de relier ce pays depuis la Grèce par la terre. Il n’y a pas de ferry qui fait la liaison. Le Maghreb est du coup sur l’autre rive de la Med. On se décide à vivre un hiver plus froid (comme à Marseille) là où on avait pensé être en Tunisie.  

Continuer le voyage à terre nécessite de trouver une (ou plusieurs) terre d’accueil, nous n’avons ni les moyens financiers, ni l’envie de voyagers en mode back-packers avec les enfants pendant 5 mois.
On cherche du côté du woofing où il n’y a que très peu de plans.
On va finalement trouver via le site workaway. Le deal : avoir le couvert et le logis en échange d’une aide.
Güvenç et Ezgi et leur fils de 8 ans, famille turque avec qui nous sentons un vrai feeling est prête à nous accueillir pour quelques mois. Ce sont des néo-ruraux, lui est videomaker, elle art-thérapeute, ils vivent dans un éco-lieux avec des oliviers, des animaux, des amis et amis d’amis de passage. L’art et la musique y sont présents. Ils développent également un projet autour de l’éducation dans la nature ! Banco, on est conquis !
On part vivre l’aventure à terre !  

On choisit d’hiverner Zou Maï à sec à Leros, île grecque du Dodécanèse, proche de la côte turque. On est mi-septembre, nous avons deux mois de navigation dans les Cyclades, plusieurs personnes viennent nous rejoindre d’ici là pour vivre l’aventure des Gypseas à bord de Zou Maï !
La suite pour le début d’hiver est planifiée, pari tenu, on peut naviguer sereinement jusqu’à la mi-novembre !!

Emma

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