Avant propos :
Témoin du passage des civilisations
Après une pause appréciée à Catane, nous y voilà : ville qui rayonne sur toute la Méditerranée, Syracuse nous accueille dans sa baie. Après 2 mois à mouiller notre ancre dans de nombreux mouillages souvent rouleurs, nous comprenons pourquoi Syracuse attire les marins depuis la nuit des temps. À l’abris de presque tous les vents, sa baie protège les embarcations. Les civilisations s’y sont succédées les unes après les autres au grès des siècles, y trouvant sérénité d’une part et lieux stratégique d’autre part, à la croisée des routes méditerranéennes.
Son Dôme, majestueux, nous l’illustre : il est édifié sur un temple grec construit au Ve siècle av. J.-C. en l’honneur d’Athéna. Au VIe siècle, le temple a été transformé en église, dédié à la Vierge, pour y accueillir un siècle plus tard la Cathédrale, précédemment située dans l’église de Saint Jean aux catacombes. Puis au XIe siècle, sous la domination arabe, l’église devint une mosquée et au XIIe siècle elle devint de nouveau un lieu catholique avec l’arrivée des Normands qui s’établirent dans la cité. Nous observons et retrouvons ce millefeuille lors de notre visite, en contemplant ses colonnes grecques de style dorique qui soutiennent encore le monument malgré le passage des différentes croyances et autres tremblements de terre.
Nous déambulons dans les ruelles de la ville, profitons de son marché et de ses « brioches col tuppo » qu’on fourre de granita al pistacchio. Nous nous sentons bien ici : nous décidons d’y rester quelques jours pour visiter. Nous y resterons finalement dix jours, pour attendre aussi une météo propice à la traversée vers la Grèce. Fait rare et preuve d’une ville qui a depuis toujours accueilli les marins, le port propose cinq places gratuites sur le quai principal. Ambre et Éole profitent de leur liberté, jouant au foot et filant sur leurs trottinettes sur les pavés. De notre côté, nous faisons la connaissance d’autres marins, les escales au port étant toujours l’occasion de nouvelles rencontres, plus difficiles à établir lorsque nous sommes au mouillage.
De l’usage des mers
Syracuse nous fait également prendre conscience de l’usage multiple que l’homme fait des mers. Nous en profitons à la voile, tous comme les nombreux plaisanciers que nous croisons chaque jour en cette haute saison. Nous nous interrogeons aussi sur le sens qu’il y a à jouir des « énormissimes yachts », comme dirait Éole.
D’autres vacanciers voient la mer défiler depuis leur cabine, à bord d’immeubles flottants de croisière de plus de 12 étages.
Évidemment la mer est le lieu de travail de beaucoup, et en particulier des pêcheurs qui nous offrent un thon un soir que je cherchais de l’eau sur les pontons ! Heureux cadeau qui nous ravit, mauvais pêcheurs que nous sommes encore...
Et puis, la mer est aussi un espoir pour beaucoup qui y voient un moyen de rejoindre l’eldorado que représente l’Europe depuis les côtes du nord de l’Afrique. Syracuse est la base de départ des bateaux de sauvetage des ONG SOS Méditerranée et SOS Humanity. Nous visitons le navire de cette dernière accompagné d’un membre de l’équipage qui nous détaille leur mission, la vie à bord, les règles mises en place au fur et à mesure des campagnes pour accueillir au mieux les migrants avant de les déposer à terre après moult négociations avec des autorités plus ou moins facilitantes. Nous rechignons à accueillir aujourd’hui ces étrangers qui ont participé de tout temps, et participent, à l’enrichissement de notre culture et civilisation actuelle.
Cela nous questionne sur notre voyage, quelle place prendre, quelle trace laisser pour nous, nos enfants et vous également qui nous lisez ? Cette navigation que nous nous offrons autour de la Méditerranée où nous sommes libres, bienvenus et accueillis sur presque tout son pourtour tandis que d’autres êtres réussissent à la traverser s’ils sont chanceux pour trouver refuge vers des jours meilleurs.
On retrouve ici le contraste de cette belle bleue, qui peut apparaitre magique et lumineuse à certain mais qui peut aussi s'avérer tragique et sombre pour d'autres.
Emma & Vincent
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